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Fûts de rhum en Solera

Rhum : le vieillissement en Solera, c’est quoi ?

Beaucoup de rhums de tradition hispanique (ou Ron) portent la mention Solera sur leur bouteille. Cela signifie que le vieillissement a lieu selon un procédé bien spécifique que l’on appelle la méthode ou le système Solera. Cet article va expliquer ce qu’est précisément la méthode Solera ainsi que son origine et ses incidences sur le vieillissement du rhum et sur les mentions d’âge.

Solera, plutôt solaire ou à ras du sol ?

Etiquette de rhum portant la mention Solera
La mention Solera est généralement présente sur les étiquettes des rhums utilisant ce procédé

Le terme Solera ne semble pas avoir d’autre signification que le procédé évoqué dans cet article. Cependant, le procédé de vieillissement en Solera se fait sur plusieurs niveaux, et le terme Solera désigne celui qui est au niveau du sol. D’ailleurs le nom évoqué en espagnol est criaderas y soleras. Les criaderas désignent les niveaux se trouvant au dessus de la Solera.

Le vieillissement à plusieurs niveaux

Petite précision, la technique n’est pas utilisée exclusivement pour le rhum, elle l’est également pour certains vins et brandy. D’ailleurs la technique aurait été initialement inventée pour les vins de Xérès (vins d’Espagne mutés à l’eau-de-vie) dont les fûts sont régulièrement utilisés pour le vieillissement des spiritueux (aussi appelés sherry).

Fûts de Solera
Fûts utilisés pour le vieillissement de Xérès en Solera.

Tout se passe donc dans les chais où sont entreposés les fûts contenant le rhum. Les fûts sont empilés sur plusieurs étages (3 ou plus).
Le premier niveau de fûts, la Solera donc, est le niveau à partir duquel le rhum sera mis en bouteille. L’intervalle entre 2 tirages peut aller de 6 mois à plusieurs années. C’est la distillerie et surtout le maître de chais qui prend la décision de la mise en bouteille.
Lorsque la décision est prise, seule une partie du rhum présent dans les fûts sera embouteillée (généralement autour de 15%). Ensuite, les fûts en partie vidés, seront remplis avec du rhum provenant du niveau supérieur (1ère Criadera). Le rhum au niveau Solera sera donc un mélange entre le rhum qui vient d’être tiré pour la mise en bouteille et du rhum plus jeune provenant du niveau supérieur. L’opération est répétée à chaque niveau de la Solera. Au niveau le plus haut, les fûts seront remplis avec de l’eau-de-vie qui peut parfois avoir déjà vieilli un peu ou qui sort tout juste de l’alambic.

Le principe est illustré de manière simple dans cette vidéo dont la réalisation peut faire frémir Spielberg. Les termes Saca et Rocío désignent respectivement l’extraction et le remplissage des fûts.

Vidéo illustrant le procédé d’un vieillissement en Solera

Notre sélection de rhums vieillis en Solera

Spirits Station, c’est également une boutique en ligne. Vous pouvez y découvrir notre sélection de rhums de tradition hispanique élaborés selon la métode Solera. Vous trouverez ci-dessous un aperçu de cette sélection avec des références très réputées.

Quelle incidence sur le rhum ?

Le système Solera apporte plusieurs caractéristiques au rhum élaboré selon ce procédé. On dit que le vieillissement est dynamique, par opposition à un vieillissement statique qui concerne une eau-de-vie qui fait tout son vieillissement dans un seul fût.

Un vieillissement accéléré

Montre de poche dans le sable
Un vieillissement en Solera va plus vite

C’est en tout cas l’argument principal des distilleries utilisant ce procédé. Et c’est plutôt recevable puisque l’eau de vie jeune qui sort de l’alambic sera tout de suite en contact avec du rhum ayant déjà un peu vieilli. Et à chaque étage le rhum sera en contact avec du rhum plus âgé. La proportion d’eau-de-vie plus âgée reste élevée pour pouvoir éduquer le rhum plus jeune.
Ce vieillissement accéléré est évidemment intéressant pour les distilleries qui pourront embouteiller plus fréquemment leurs cuvées Solera. Elles augmentent ainsi leur rendement par rapport à un vieillissement non Solera.

Une continuité assurée

Cet amalgame qui se créé à chaque niveau de la Solera a aussi l’avantage d’assurer une continuité dans la production et une homogénéité du rhum mis en bouteille. C’est donc un gage de qualité constante qui permet au consommateur de savoir ce qu’il va avoir dans sa bouteille. Pour le cas d’un rhum vieilli en fût sans méthode Solera, la continuité est assurée grâce à l’expertise du maître de chais. En effet, c’est lui qui va déterminer quand la mise en bouteille doit avoir lieu.

Et l’âge du capitaine ?

Illustration : jeu de dés
Il y a une part d’inconnue dans l’âge d’un rhum Solera

C’est là où les choses se compliquent… En effet, comme évoqué dans l’article consacré aux mentions d’âge des spiritueux, l’âge indiqué sur les bouteilles des rhums vieillis en Solera ne respecte pas la réglementation européenne. Ce règlement exige que la mention d’âge portée sur la bouteille concerne l’eau-de-vie la plus jeune.
Les mentions d’âge sur ces rhums sont soit un âge moyen, soit l’âge de l’eau-de-vie la plus vieille. Il faut donc être conscient de cela pour ne pas comparer un rhum de Martinique 15 ans d’âge (AOC qui respectera la législation) avec un Solera 15 ans.

Il est même compliqué de comparer 2 rhums Solera estampillés avec la même mention d’âge. En effet, l’âge moyen peut différer puisqu’il n’y a pas de règle sur les fréquences de tirage et les proportions. Chaque distillerie peut donc faire comme bon lui semble. Et cette information est souvent introuvable, c’est un secret généralement bien conservé.

Un complément en vidéo

Le Bar de l’Ours est une chaîne Youtube française consacrée à l’univers du rhum. L’Ours a évoqué la méthode Solera dans une courte vidéo. N’hésitez pas à la visionner pour avoir une explication complémentaire sur le sujet.

La méthode Solera expliquée par Le Bar de l’Ours

En conclusion, la Solera c’est bien ou pas ?

La situation est plus subtile que cette interrogation, et heureusement. On l’a vu, la technique permet un vieillissement accéléré grâce au principe de mélange de rhums d’âges différents.
De plus, on parle d’un procédé qui date probablement du 18e siècle, pas d’une invention purement marketing sortie il y a 10 ans pour simplement augmenter le rendement d’une production. Et puis si le procédé est rentable sur le long terme, il demande un investissement plus conséquent au départ. Il y a également des précautions d’hygiène à prendre puisque le rhum va naviguer dans plusieurs fûts au cours de son vieillissement. On n’est donc pas dans la grande solution de facilité.

Le vrai problème est plus au niveau de la transparence. Les mentions d’âge sont un peu trompeuses car elles indiquent un âge moyen ou maximal. Ce n’est pas la règle appliquée aux autres types de rhums qui affichent l’âge minimal.
Et comme deux rhums Solera indiquant la même mention d’âge ne sont pas forcément équivalents en terme d’âge moyen et de proportions, il n’est pas non plus possible de définir une équivalence fiable. On aura au mieux un ordre d’idée.

Verres de dégustation de rhum
Ne pas connaître l’âge exact d’un rhum ne nuit pas à l’expérience de dégustation.

Maintenant l’âge d’un rhum ne fait pas tout, c’est une indication à prendre en compte parmi d’autres. Ne boudez pas votre plaisir si vous appréciez un rhum vieilli en Solera parce que son âge moyen est inférieur à la mention sur la bouteille, l’essentiel est ailleurs !

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4 Commentaires

  • SCHELLE Olivier dit :

    Bonjour, merci pour cet article.
    J’y suis rentré parce que je cherchais le pourcentage de soutirage de la solera dans le Xérès, le rhum, le champagne et surtout sa valeur entre les grandes maisons en terme de qualité et la grande cavalerie; si j’ai pas trop mal compris il irait de 10% pour l’excellence , 15% en moyenne, et 25% au maximum.
    Est-ce bien cela?
    Merci de votre réponse. Cordialement, Olivier Schelle.

    • Jez dit :

      Bonjour,

      J’avoue être dépourvu par rapport à votre question. Je n’ai trouvé aucune information sur le pourcentage de soutirage dans les différents domaines. Et je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu une marque communiquer sur ces éléments.

      J’ai l’impression que c’est très variable et qu’il n’y a pas de règle établie (sur le pourcentage, mais également sur la fréquence des soutirages). En tout cas sur le monde du rhum, cela va dans le sens de ce qui est évoqué dans l’article… à savoir qu’il est compliqué de savoir exactement ce qui se cache derrière la mention Solera, à part le principe de vieillissement.

      Désolé de ne pas être en mesure de vous trouver des données chiffrées.

  • Insomniac dit :

    Toujours très riche et didactique ces articles de votre blog. Une vrai dimension encyclopédique !

    • Jez dit :

      Merci pour ce retour positif !

      L’idée c’est de donner des éléments pour que les curieux appréhendent au mieux les spiritueux. Par exemple avec cet article consacré au vieillissement du rhum, j’imagine qu’il peut intéresser quelqu’un qui hésite à acheter un rhum Solera ou quelqu’un qui vient d’en recevoir un en cadeau et qui veut en savoir un peu plus.
      Il y a tellement de sujets à aborder que je n’ai pas la prétention de mettre en place une encyclopédie, mais j’espère pourvoir traiter beaucoup de sujets au fil du temps.

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