La distillation, principe et application aux spiritueux
D’un point de vue réglementaire, un spiritueux est forcément issu d’une distillation. De fait, il me semble intéressant de s’intéresser à ce procédé et à son impact dans l’élaboration des spiritueux.
Après avoir vu ce qu’est la distillation, nous évoquerons ses différents domaines d’application avant de s’intéresser plus en détail à deux types de distillation très courants dans l’univers des spiritueux.
La distillation est un procédé chimique
Du point de vue purement technique, la distillation est un procédé visant à séparer différents éléments d’un liquide en utilisant le fait que la température d’évaporation de chaque élément diffère.
Par exemple, la température d’ébullition de l’eau se situe à 100°C alors que celle de l’alcool pur (éthanol) est de 78,2°C.
Selon divers paramètres de chauffe, les éléments vont se vaporiser (souvent sur les parois d’un alambic, nous y reviendrons) puis la vapeur obtenue sera refroidie pour retourner à l’état liquide et devenir le distillat.
Dans la pratique, la température d’évaporation de chaque composant peut également varier en fonction des autres composants du mélange initial puisqu’il existe également des notions d’affinités entre les composants chimiques.
La distillation peut être…
…continue
La distillation continue implique que le mélange à distiller alimente en continu l’appareil de distillation. Dans ce cas, la composition du mélange n’évolue pas et la température de chauffe sera stable.
…discontinue
À l’inverse, dans une distillation discontinue on va charger le mélange à distiller une seule fois. La composition du mélange va donc évoluer continuellement au fil de la chauffe ce qui impliquera d’adapter la température en fonction de l’objectif recherché.
…sous vide
Cette technique peut s’avérer utile lorsque l’on travaille sur certains composants qui ne sont pas assez volatils dans l’air ambiant ou qui ont une température d’ébullition très élevée qui fait qu’ils se décomposent avant de s’évaporer. La distillation sous vide permet alors de réduire la pression et donc le point d’ébullition.
Domaines d’application de la distillation
Avant de s’intéresser spécifiquement à la distillation dans le domaine des spiritueux, sachez que ce procédé est également utilisé dans d’autres domaines.
Par exemple, on utilise la distillation pour extraire différents gaz dans le pétrole brut. On l’utilise également en parfumerie dans l’élaboration des huiles essentielles ou encore dans la conception d’encres et de vernis.
La distillation des spiritueux
La matière première
La matière première diffère évidemment selon le type de spiritueux. Mais ce qui est mis à distiller est un mélange déjà alcoolisé. Il s’agit le plus souvent d’une matière agricole qui aura fermenté afin justement de contenir de l’alcool. La fermentation alcoolique est une réaction biochimique qui entraine la transformation de sucre en alcool. La bière et le vin sont des boissons issues de fermentation.
Un spiritueux issu d’une distillation simple est une eau-de-vie. La plupart des spiritueux sont donc par définition des eaux-de-vie.
Par exemple le Cognac ou l’Armagnac sont des eaux-de-vie de vin, c’est pour cela qu’il est question de crus et de cépages dans leur élaboration. Le rhum est produit à partir de la canne à sucre (pur jus ou mélasse selon le type). Le whisky provient, lui, de céréales (l’orge, mais pas que…). La Tequila est faite à partir de l’agave et la vodka peut être élaborée à partir n’importe quel ingrédient d’origine agricole puisque son cahier des charges n’impose rien de ce point de vue.
Si vous souhaitez avoir plus de détails sur chaque type de spiritueux, et notamment ses matières premières, nous vous invitons à consulter ce tableau récapitulatif.
L’alambic, l’appareil de distillation
On ne sais pas dater exactement l’invention de l’alambic. Mais il s’agit d’un appareil ancestral puisque le plus ancien connu a été retrouvé lors de fouilles archéologiques, il a été daté à 3500 av J-C.
Il existe une très grande variété d’alambics et le sujet mérite qu’un article complet y soit consacré. Nous allons simplement prendre en exemple l’emblématique alambic charentais (pot still en anglais) ainsi qu’un alambic à colonne. Ces exemples vont permettre d’illustrer les distillations continue et discontinue.
L’alambic charentais, pour le whisky et le Cognac
La distillation dans ce type d’alambic est discontinue. Ici la matière à distiller est mise dans la chaudière. Ensuite sous l’effet de la chaleur en provenance du foyer, les différents composants vont s’évaporer en fonction de leur volatilité.
Les vapeurs vont arriver dans le chapiteau puis aller jusqu’au refroidisseur par un élément appelé Col de Cygne.
Une fois dans le refroidisseur, les vapeurs vont se condenser et donc revenir à l’état liquide. Le distillat s’écoule ensuite par le bas du refroidisseur.
Sur ce type de distillation, le liquide en sortie d’alambic n’est pas homogène puisque la chauffe modifie continuellement les caractéristiques de la matière à distiller. Une sélection est donc opérée pour ne garder que la partie du distillat qui nous intéresse en fonction de ses caractéristiques. Dans le cas du Cognac, il y a même systématiquement une deuxième distillation d’une partie du distillat obtenu après la première distillation, c’est pour cela que l’on parle de distillation à repasse.
Ce processus vise à atteindre la concentration souhaitée de certains éléments dans le distillat. Il y a notamment l’éthanol “Le bon alcool” et le méthanol “Le mauvais alcool“. En fait le méthanol est un composant nocif pouvant notamment entrainer la cécité. C’est à cause de ce composé qu’on entend parfois dire qu’un alcool frelaté peut rendre aveugle. Sa concentration, règlementée, doit donc être infime dans la boisson qui sera embouteillée, et la distillation va justement permettre d’éliminer une grande partie du méthanol. Pour cela, on va jouer sur la température de chauffe puisque le méthanol s’évapore aux alentours de 65°C, température plus faible que pour l’éthanol.
De la même manière, un travail va être effectué pour gérer la concentration des composants aromatiques qui auront une très grande influence sur le profil aromatique du distillat. Les plus connus sont les Esters, dont on communique parfois sur la concentration pour juger du côté très aromatique (High Esters).
L’alambic à colonne, pour le rhum et la vodka
L’alambic à colonne ou colonne de distillation fonctionne donc sur le modèle continu. La colonne est composée de plateaux au niveau desquels la vapeur (injectée par le bas) et l’alcool à distiller déjà chauffé (appelé vin pour vin de canne dans cet exemple appliqué au rhum) vont se mélanger par barbotage. Ces éléments alimentent la colonne de manière continue durant toute la durée de la distillation et la température de chauffe reste également stable.
Dans la partie concentration, en haut de la colonne, la vapeur va se charger avec certains éléments du vin avant de s’échapper par le sommet de la colonne. La vapeur est ensuite refroidie pour devenir liquide. Ce liquide pourra soit être mis en bouteille (c’est ce que l’on appelle un brut de colonne dans ce cas, pratique désormais répandue dans l’univers du rhum agricole), soit réduit pour faire baisser le taux d’alcool avant la mise en bouteille, soit mis à vieillir le plus souvent en fûts.
Dans la partie basse de la colonne (épuisement), on va retrouver les éléments les plus lourds que l’on veut éliminer de notre spiritueux. La partie résiduelle qui est évacuée par le bas est appelée vinasse.
Les nombreux plateaux font que les vapeurs vont se condenser puis repasser à l’état liquide un grand nombre de fois. Les plateaux ont généralement des caractéristiques (leur forme notamment) favorisant ce phénomène. En général, plus une colonne possède de plateaux (parfois répartis sur plusieurs colonnes), moins l’alcool produit sera aromatique.
En conclusion
La distillation est le cœur de l’élaboration d’un spiritueux. Ce procédé est relativement simple à comprendre, mais difficile à maitriser tant les paramètres d’ajustement sont nombreux (matière première, alambic, température de chauffe, …).
Le but de la distillation est en premier lieu de produire un alcool débarrassé de certains composants dangereux ou indésirables à cause de leurs propriétés aromatiques. Certains spiritueux ont d’ailleurs un cahier des charges à respecter, par exemple la teneur en thuyone pour l’absinthe. En parallèle, il y a aussi une recherche pour conserver certains composants que l’on souhaite retrouver dans notre eau-de-vie.
En s’intéressant un peu au sujet, on comprend aisément pourquoi le monde des spiritueux est vaste et les possibilités infinies. Sachant qu’il faut aussi prendre en compte les possibilités offertes par l’aromatisation (liqueurs) et par le vieillissement qui va, lui aussi, avoir un rôle essentiel sur la palette aromatique des spiritueux concernés.
Bonjour,
J’ai réalisé une liqueur de framboises avec de l’eau de vie et je voudrais savoir quel est la proposition d’alcool il faut pour une conservation hors du frigidaire.
Pour ma part j’ai du mettre environ 1l de jus sucré pour 300g d’eau de vie.
Merci de votre réponse
Belle journée
Bonjour,
Je viens de vous répondre dans l’autre article où vous aviez également posé la question. Pour pouvoir conserver la liqueur un certain temps, je m’arrangerais pour avoir un taux d’alcool supérieur à 15% qui est le taux minimal pour un spiritueux vendu dans le commerce (et donc sans date de péremption).